lundi 30 octobre 2017


"Voir"

gravure pointe sèche





Trois merveilles








Les gardiens





-Deux feuilles-

C'est un instant de lumière
pour deux feuilles 
qui vont mourir.

Exposées sans défense,
la lumière passe
à travers elles.

Sont-elles encore des feuilles ?

Je les vois et elles me surprennent.
Ce ne sont pourtant
que deux feuilles 
prêtes à se décrocher de l'arbre.

Leur transparence m'interroge.
Je suis un homme, pas une feuille.
Est-ce si sûr ?

Mon corps a une épaisseur.
J'ai beau mettre la main au soleil,
elle n'est pas traversée
par la lumière.

Malgré tout, certains jours,
l'opacité se lève.

Même si les os grincent,
je suis traversé.

Traversé par la lumière ?

Je ne sais pas.

Les deux feuilles frémissent
sous le vent solaire.
Je suis aussi une feuille
chantée par la lumière.



dimanche 29 octobre 2017



Les hommes sont comme les trois papillons
devant la flamme d’une bougie.

Le premier
s’en approche et dit:
"Moi, je connais l’amour".

Le second
vient effleurer la flamme de ses ailes et dit : 
"Moi, je connais la brûlure de l’amour".

Le troisième
se jette au cœur de la flamme et se consume.
Lui seul connait le véritable amour.

Rûmi






mardi 24 octobre 2017

Feu feuille



un texte d'octobre 2016


-Ce matin, une étoile-

Ce matin, une étoile
est tombée dans un arbre.
On voit encore
la trace de sa chute
dans le ciel.
Est-elle là pour se reposer
ou pour mourir ?

Personne ne sait.
Les gens ne voient
qu'un lampadaire
dans une aube furtive.
Pourtant l'étoile est là
pour celui qui dans le noir
rêve d'une lumière.

C'est la lumière d'une étoile
qui jamais ne se perd,
une étoile qui s'accorde
au rythme du cœur,
un cœur qui vibre et s'étend
bien au-delà des dernières étoiles.

Et ce coeur passe aussi
par celles qui tombent
sans fracas dans les arbres.

L'étoile se repose sur une branche
près d'un merle encore endormi.
Il se réveillera à sa douce chaleur.

Puis il chantera pour un passant
qui dort en marchant.
Celui-ci lèvera les yeux,
ne verra pas un lampadaire
mais une étoile qui pleure
devant les coeurs qui se perdent.

Alors il choisira de vivre pour elle,
uniquement pour elle,
et quand la lumière s'éteindra
il saura que quelque part
l'étoile n'est pas morte
mais l'attend.



dimanche 22 octobre 2017

-Je te choisis-

Je te choisis dans la nudité du matin.
Je te choisis avec la note timide
d'une mésange frileuse qui se perd.

Je te choisis comme la clarté
qui arrache la dernière prétention.
Je te choisis sans écho peut-être.
Je t'ai vu dans ta vérité méconnue.
Cela suffira jusqu'à la fin du jour.

Il n'y aura pas d'autre mot.
Seul compte cet élan
malgré le poids de la nuit 
qui révèle un diamant.

Je te choisis,
n'y aurait-il plus que l'absence
ou l'oubli.
Je meurs aujourd'hui, je meurs demain.
Je te choisis pour la vie.

Je te choisis
parce que c'était inévitable.
L'heure sonne
où se tranchent les amarres
d'un mensonge qui a aussi sa vérité.

Je te choisis comme on rassemble
un troupeau à la lueur
fumante d'une grange.
Les pierres rouleront seules au ravin.

Je te choisis au carrefour
des chemins invisibles
là où veillent les coeurs
que rien ne séparera.



samedi 21 octobre 2017


Wachet auf, ruft uns die Stimme
Réveillez-vous, la voix nous appelle
Der Wächter sehr hoch auf der Zinne,
Celle du veilleur en haut du rempart,
Wach auf, du Stadt Jerusalem!
Réveille-toi, cité de Jérusalem !
Mitternacht heißt diese Stunde;
Cette heure est appelée minuit ;
Sie rufen uns mit hellem Munde:
Ils nous appellent d'une voix claire :
Wo seid ihr klugen Jungfrauen?
Où êtes-vous sages vierges ?
Wohl auf, der Bräutgam kömmt;
debout, le fiancé arrive ;
Steht auf, die Lampen nehmt! Alleluja!
Levez-vous et prenez vos lampes ; Alléluia !
Macht euch bereit
Préparez-vous
Zu der Hochzeit,
Pour les noces,
Ihr müsset ihm entgegen gehn! 
Vous devez aller à sa rencontre.






Brève visite



jeudi 19 octobre 2017


A l'expo des feuilles mortes, mes préférées







Un texte de 2013


Col relevé, silhouette un peu voûtée, cheveux en bataille, jambes frêles, corps un peu brisé, tu le vois disparaître dans l'impasse, un homme seul, mains dans les poches, un homme hagard que rien ne retient !
Quelques secondes, une silhouette fragile !. Mais tu as lu mystérieusement son histoire, ce qu'il a tant cherché, ce qu'il a tant désiré, ce qu'il a cru parfois trouver et qui maintenant est déjà loin. Et tu le vois marcher. Tu sais qu'il avance, qu'il ira au bout de ses forces. Tu sais aussi qu'il n'a pas peur de la mort. Il l'a traversé tant de fois ! Dans cette chute qui n'en finit pas, il a tellement embrassé la terre qu'elle est devenue sa compagne, sa sœur. Tu sais sans le connaître qu'il a du cœur, que peut-être il a nourri une souris qui lui tenait compagnie dans un appartement désert, qu'il a osé défendre un frère chassé avec brutalité de devant la vitrine d'un magasin de luxe! Tu sais qu'il a un trésor qu'il garde au fond de lui, qu'il continue les soirs clairs à regarder les étoiles, et qu'il aperçoit toujours celle qui brille le plus, qu'il se chuchote à lui-même :"Tu vois cette étoile, c'est la mienne !" Alors ce que les autres pensent de lui, vous pensez bien madame ! Il en a vraiment plus rien à faire. Et les chuchotis, les chuchotas, toutes ces médisances vipérines, il s'en contrebalance. Oui, ce matin, tu as croisé une ombre étrange, une ombre vagabonde un peu déglinguée, mais cette ombre irradiait un tel soleil ! Parce que vraiment, oui, tu en es sûr, il a choisi d'aimer sa vie, malgré sa peine. Dans cette impasse, il avançait un peu voûté, un peu tremblant, mais tu voyais bien que c'était comme le vol d'un goéland (hein ! Jonathan !) que plus rien ne retient, qu'il avançait avec toute sa vie, qu'il emportait avec lui tous ceux qu'il aimait, qu'il s'offrait tout simplement, dans ce mouvement en avant. Oui, ce matin c'était peut-être plus qu'une ombre, un homme vu de dos qui s'enfonce dans une ruelle glaciale. C'était peut-être un messager qui te lançait un appel. Peut-être t'invitait-il à prendre la fuite, tant qu'il est encore temps, dans la montagne avant que n'arrive les pillards hors d'eux-mêmes . Cette silhouette de rescapé est là devant toi. Tu pourrais la dessiner dans tous ces contours, avec chaque pli de ses vêtements, la silhouette qu'on retrouve à beaucoup de carrefours, la silhouette des affamés d'amour qui vont lentement rejoindre le soleil de leur royaume !


mardi 17 octobre 2017


Rougissez d'avoir tenu si longtemps
votre âme en souci de l'accident,
au ras de terre et privée de l'essence.
Si la simplicité vous eut accoutumée à elle-même,
cachée dans sa lumière,
vous seriez franche de forme et d'images.

Vous devez être en grande erreur
de chercher au dehors la lumière en parties,
alors qu'elle est toute en vous et vous libère totalement.
Si vous voulez devenir maitre
en cette philosophie, ne vous affirmez pas :
laissez toute chose, avec vous-même.

Ah ! Dieu, quelle noblesse
Que cette libre vacuité,
où l'amour abandonne amoureusement tout le reste
et ne cherche rien hors de Lui-même,
puisque dans sa pure Unité,
il enclôt l'éternité bienheureuse.

Hadewijch d'Anvers

"Mengeldichten"


dimanche 15 octobre 2017

-Brouillard-

le brouillard ne peut rien cacher.
L'embuscade du soleil
est toute de tendresse

Il entrouvre la porte.
Que se glisse-t-il là ?
Une caresse, une simple caresse
où reposer.

Des milliers de gouttelettes
se déposent sur les dernières roses,
larmes du brouillard
qui se dissipe.

Je chante avec des oiseaux
aux ailes immenses
des mots sans queue ni tête
qui viennent d'un cœur vivant.

Le bleu du ciel à midi
effacera les barreaux
d'une cage qui sent la mort.

Cours toujours. Tu ne m'attraperas pas,
chasseur au regard de formol,
qui plante des aiguilles
si difficiles à retirer.

Je vais danser maintenant
à la cuisine accompagné
des épluchures de courgettes.