dimanche 31 janvier 2016

Le hêtre pourpre 2010 

Partie 4


La corbeille

Une flamme partagée
reste une flamme
même si elle s'en va
plus loin !

Regarde, le ciel respire
par une vie nouvelle.

Un jour,
quand tu seras vieille,
dépose dans une corbeille
quelques pétales, une lumière,
et laisse-la partir
avec les remous du fleuve !



C'est maintenant

C'est un calice où demeure
un baiser inachevé,
et tous regardent,
de l'arbre au nuage,
du goéland à la rose
la flamme seulement !

C'est des mains qui voient
et garderont mémoire,
aucun orage ne va aussi profond !

Et c'est le temps de l'autre à la maison,
qui ouvre la fenêtre
pour qu'un vaste feuillage
accueille le chagrin,
le temps des pas sur le chemin
à si peu de distance,
des visages rejoints par l'aube,
et qui s'inclinent,
chacun ayant reconnu
le cri qui rend humain !

C'est maintenant la plus belle lumière
qui échappe au couteau
et donne à ceux qui ose la rejoindre
un secret sous la cendre !


N'être rien

Ce silence est une promesse.
Les feuilles du noisetier
se déplient lentement.
Les tulipes ont le cœur ouvert.
Cette souffrance n'est plus une souffrance
quand elle accompagne
le vol d'un rouge-gorge.
C'est un miel étrange
qui vient de n'être rien.
Le printemps est un sacre.
En une averse, le tain
du miroir est effacé,
et des regards se caressent
près d'une neige de fleurs !



Fugitif

Le pinson ne restera pas
longtemps sur sa branche.
Mais il est venu,
rayon de lumière ébouriffé
qui disparaît.

Trop de tendresse.

Et les jonquilles
sur l'étagère
sont un soleil
à elles toutes seules.

Fragile,
corps fragile,
que restera-t-il
de toi ?



Éclair noir

Une tulipe
voit tout
Qu'il est beau
le ciel de l'arbre !

Le corbeau
étendant
ses ailes
est lui-même,
éclair noir
de l'azur !

Où revenir,
ainsi offert,
traversé
de vide ?



Est-ce un chant ?

Ce qui se noue
et se dénoue
retourne au silence.

L'hiver est loin.
Les feuilles des arbres
sont transparentes.

Être présent,
est-ce un chant ?

Les oiseaux, eux,
signent un accord.

La plume laisse
quelques traces.

Tout s'effacera,
tout continuera !


 En un clin d'œil

On pressent bien
la patience du soleil
derrière la grisaille.

Dehors se croisent
des voitures, des visages,
c'est le tumulte,
le brouhaha !

Mais le silence continue,
un moineau sur un rameau
est bercé par le vent.

On ouvre les yeux
le matin sur le monde,

on les ferme le soir
et il n'y a plus rien !


Immobile

Seconde
que mesures-tu ?

Seconde
après seconde,
vers où ?

Immobile,
la porte s'ouvre,
l'escalier est descendu,
un visage est rencontré !

Immobile,
les arbres en forêt
se déplacent,
le ciel avance,
le soleil suit.

Immobile,
demeurer.



Sans tête

Avec deux yeux,
une unique vision.
Où est la tête ?
Qui écrit donc ?

Tout est si large !
Sans miroir,
pas de visage !

Cette traversée
mène au pays intense
de nulle part ailleurs !



Conjugaison

Immense vide
entre les planètes
et les étoiles,
entre les cellules,

silence total
qu'aucun homme
ne connait,

silence sans
poussière de bruit
même d'une pensée,

les livres peuvent brûler,
je ne sais rien,
tu ne sais rien,
il ne sait rien,
nous...
C'est bien ainsi !



Insondable

La pluie salit
la neige rose
au pied du cerisier.
A travers le toit,
on entend le martèlement
des gouttes froides.

Le silence se remarque.
La lampe du bureau,
oubliée, veille.

Une horloge sonne
pour marquer l'océan
de la nuit qui recouvre
les maisons.

Où cela mène-t-il ?



La réponse du regard

Sur le blanc du papier,
une ligne d'encre noire
avance vers l'inconnu.

C'est un homme qui
a quitté la ville,
veut toucher l'arbre
qui éclate de lumière
au bord du canal.

Si on lui demande
qui il est, il ouvre
un peu plus les yeux.

Tous les oiseaux sont là,
ils triomphent, exultent
dans ce silence.

























samedi 30 janvier 2016

Temps gris
















Écorce de cèdre



Lichens











Le Hêtre pourpre 
2010
Partie 3



 Tout un monde

Un fluide passe
dans le vide.
Un doigt met en branle
tout un monde.
Les étoiles scintillent,
s'appellent l'une l'autre :
«Parlez-vous, parlez-vous»
disent-elles
de leurs contrées lointaines.

Alors naît une voix,
puis une autre :
«Je suis, je suis !»
chantent-elles !

Des eaux sombres
remontent les baleines
avec sur leur dos
des fontaines d'or !


C'est là

Une fine poussière
de neige
que soulève le vent
ferme l'entrée
d'une grotte blanche
que deux sapins
amoureux
ont formé,
lieu pur
qu'aucun pas
n'a foulé,
c'est là !!

Signature

Le soir vient
comme une bougie
qui faiblit.

Et un oiseau surgit
dans le ciel pourpré.

Il signe pour celui
qui ne sait plus écrire
une page d'azur.

Qui pourra lire
dans ce vide immense
les mots imprononçables ?


Le corps limpide

Sous l'écorce noire
demeure
un reflet d'or.

Les montagnes
se penchent.
La chevelure blanche
des torrents
entoure un corps
limpide.

Sous les mélèzes
le vert est une lumière,

les yeux fermés
y voient douceur
de la terre !


Chercher encore

Ce que l'on cherche
on le trouve.
Passager,
le regard
est tourné
vers l'océan.

Il est des contrées amères
si l'on y revient.

On trouve,
mais on n'en sait rien.
Ici s'arrête le mot,
la main doit trembler.

Et on cherche encore,
ayant trouvé.

Le vide reste vide
jusqu'à la fin.



Dimanche matin

Grésil sur les feuilles mortes,
on dirait qu'elles se réveillent.

Pourtant tout dort encore
sauf le pic-vert et son tic-tac.

L'ombre d'une buse
glisse avec son cri.

Au fond du vallon
des branches craquent,

et en marchant
l'on rêve que
l'on marche !


                    La fenêtre

Tout ce qui a été dit
a été dit
au lever de l'enfant
dans une chambre claire.
Les mots prononcés
connaissaient
le secret des roses.
Il n'y avait qu'une route
qui se perdait,
fraîche d'un rêve
où l'on respire.
C'est dans les entrailles
qu'a été cherchée
la plus belle fenêtre
afin qu'on puisse s'accouder
et de là, amoureux
des nuages, chanter !


Pas de distance

Entre parole et silence,
un chant peut-être,
une voix chaude
ne dirait rien.

Alors le corps serait
de premier jour,
corps qui sort
de son lit d'herbes,
frais de belle étoile !

Et le regard garderait
la nouveauté de l'aube.
Il n'y aurait pas d'encre
sur les arbres,
pas de distance
entre l’œil et la fleur !

Ce serait un fleuve
qui prendrait la place
du cercle des pensées,
un mouvement ample
qui unirait le nuage
au vide du ciel,
le champ d'avoine
à la main du vent.

Au loin, on entendrait
tomber en mer la nuit morte.


Maison

Il désire vivre
là où le mot
n'a plus cours,

demeure singulière
où l'on reste
des heures à la fenêtre
à regarder un arbre
être dans sa force,

et où chacun
quand il y pénètre
trouve sa couleur,

et où l'amour,
l'amie et la sœur
ont même
battement de cœur !


Préparatifs

Palombes et geais,
brindilles au bec,
traversent la nappe du ciel.

Les arbres convives
qui chantent avec le vent
mettent le couvert des bourgeons.

Les primevères et muscaris
récitent leurs couleurs
aux quatre coins
de la table des jardins.

L'invité du soleil viendra,
même si au fonds des maisons,
on crie encore, on assassine !


Du pain

Prends la phrase
sans levain
pauvre et qui n'a rien.

Elle n'a de pouvoir
que celui du merle
en fin d'après-midi.

C'est la phrase
du chemin perdu
où les aubépines
ne sont là
pour personne.

Prends le mot
qui est un corps
à lui tout seul
qui se délivre
de sa douleur,

Et vis !


En forêt

De lui-même,
il est l'anémone
au pied des grands hêtres
qui se chargent de soleil,

il est la fourmi
qui monte aux branches
chercher le sucre des bourgeons.

Il est la grume moussue
au bord du fossé
qui espère les pas d'un enfant.

De lui-même,
il ne dira plus rien.





vendredi 29 janvier 2016

Le hêtre pourpre 2010

Partie 2




 Fugace

C'est comme si
une mésange
se posait dans la main,

et n'avait plus peur
du regard humain.

On ne peut toucher
ses ailes duveteuses.
Elle s'envolerait !

Mais elle reste là
avec ses perles noires,
présente.

Est-ce un oiseau,
est-ce une flamme ?
Elle disparaît.

Dans la paume,
à peine, un parfum !



La danse

Une fleur
ne supportera pas
la poche froissée.
Il viendra
les mains vides.

Mais il connait
une danse magique.
Après le premier pas,
on ne peut l'arrêter.

On tourne, on tourne,
et tout disparaît.

Et quand on ouvre les yeux,
on danse encore
revêtu d'enfance
comme les mariés
mettent leurs habits blancs !



Demande

L'on sait déjà,
c'est pour cela
que chaque seconde
est une étoile.

L'on sait tout
jusqu'au tréfonds,
voir souffrir
et tout se brise.

Alors, on traverse
des murailles,
saute des torrents
pour que se taisent
les blessures.

Chaque larme
demande sa caresse,
chaque abîme
demande son baiser,

et chaque cri
désire un chant
doux à écouter !


De retour

C'est comme une maison.
La porte s'ouvre,
la soupe fume
dans l'assiette.

Il n'y a pas de question.
Rien ne sera vu.
C'est un aveugle qui sert.
Par la fenêtre
les montagnes rougeoient.

Des oiseaux peut-être
enlèvent le manteau
et sa nuit qui étrangle.
On reste près du feu.

Les flammes vives
racontent une histoire.
On reconnaît la sienne.

On voit les fils d'or
les déchirures
sans crainte aucune.

Puis l'on s'endort
dans un lit de parfum
comme un bébé
après le sein !


Flocons

La neige passe.
Il n'y a plus d'hommes,
il n'y a plus de maisons
Il n'y a plus
que les flocons
qui ont tout envahi.
Tout est blanc,
tout recommence !

Avancer dans ce vide,
écrire sur la page vierge,
voici,
être vivant,
rien d'autre à dire
que vivant.

C'est comme si
une fenêtre s'ouvrait
que dans la chambre
rentraient les flocons,
qu'ils se posaient
sur les lèvres
pour redevenir muet !


Ouverture

Ce n'est pas le désir,
c'est un manteau de laine.

Ce n'est pas soi-même,
c'est l'autre à sa lumière.

Ce n'est pas saisir,
c'est poser un baiser
comme le matin
tremble la rosée.

Ce n'est pas brûler,
c'est être une rivière
qui descend innocente
jusqu'à la mer.

Ce n'est que
délivrance,
au bord d'un horizon
où l'oiseau
comme une voile
honore l'espace
de ses ailes !


Cristal

C'est ainsi,
le rêve est un
verre de cristal.

Il chante
sous le doigt,
se brise d'un geste
maladroit.

Mais au milieu
des éclats,
une goutte d'eau
pure est là !

En elle
se reflète
un monde,

et au milieu,
une étoile
prête à l'enflammer !







jeudi 28 janvier 2016


LE HÊTRE POURPRE

Partie I
-2010-




«Un oiseau s'est posé sur le sommet d'une montagne ; il s'est envolé.
Qu'est-ce que la montagne a perdu et qu'a-t-elle gagné
de ce fait ?»

Rûmî




Le hêtre pourpre

En ouvrant la fenêtre,
le hêtre pourpre
qui domine la colline
était là autrement,
dans l'horizon ivoire
près du nuage qui s'étire.

Il ne dormait plus
comme au centre
de la fraîcheur du soir.
Les bruits de la ville
avaient perdu leur force.

Le hêtre pourpre
était devenu une porte.
Il inspirait le fracas,
il expirait d'invisibles oiseaux
qui frôlent les maisons
où l'on se croit à l'abri.

La fenêtre s'est refermée.
La paix de l'arbre
sans protection
a tout envahi !




Note ou femme

Dessaisi,
il n'y a plus
de rive à atteindre.

Précieux cahier,
précieux crayon,
table de chêne
avec ses tâches,
quel accueil !

Il y a une note
fondamentale.
Elle est là,
mais nulle part,
note ou femme
invisible
qui toujours
attend que l'on se perde !

Par la fenêtre
intérieure,
elle passe
ou elle chante.
Tiens, la voilà !




Sagesse

C'est auprès d'elle
dans la pièce
d'une maison sans âge
que l'on se tient.
Par une fenêtre basse
arrive la lumière,
mais aussi le chant
d'une fontaine.

Aucune voix humaine.
A peine un craquement
du vieux plancher.
Tout a été déjà dit.

C'est ici que
les yeux se ferment,
que l'on reconnaît
ce qu'il y a à reconnaître,

et que l'on regarde de loin
les ombres qui passent
dans la cour
où se glisse le soleil !



Béance

L'enfant est toujours là
qui frappe la porte
par où sa mère s'enfuit.

On lui arrache le cœur,
alors il continue
répète sans fin
le sacrifice aztèque.

Mais par le trou béant
arrive tant d'enchantements !
C'est par là que passe
les mille formes du torrent,

et le cri des hirondelles
qui ne posent jamais
pattes à terre,

tout ce qu'il y a d'immense,
tout ce qu'il y a de pur,

avec au centre,
le temps du rêve
et une perle !


Les voix du soir

On parlera encore
mais ce seront des paroles
qui tintent avec les verres
et la féerie du soir.

Tout est là, autour de la table
avec les cris de joie
au fond du jardin.

Pourquoi a-t-il eu si peur ?

Qu'il se donne donc
jusqu'en son sommeil de sable.
Le vent du rêve vient
lui desserrer les mains,
et l'acier qui l'entoure
est une vague verte
qui porte son élan.

Il commence maintenant,
avec la douceur des voix
qui s'éteignent,
le bruissement de la nuit
qui l'a amené à son chant
le plus intérieur !


Des amis

La nuit noire
que les nuages
accompagnent
dissimule
à l'horizon
une banquise
de lumière.

L'après-midi
perd les heures.
Un cœur attend,
tout est simple.
Une flamme
seule respire.

Et n'ayant rien
un pèlerin nu
donne sa main
aux rivières
et aux arbres.



L'élan du coeur

C'est une danse,
un fil doré
à atteindre.
Des monstres
tombent en poussière.
A l'arrière
est un océan de sel.

Les arbres même nus
ont une peau douce
et fraternelle.
L'innocence
est dans l'élan du cœur
qui ne voit plus
que l'étoile.

C'est une danse
où l'on se perd.
On suit la chanson
comme un vol
de papillon
au gré du vent
ivre de fleurs
jusqu'à la fin !

                                                  (à suivre)