vendredi 26 avril 2024

 



« Adieu ! J'ai toujours eu des visions
pour la nuit, et pour le jour, les visions
qui s'effacent ne manquent pas ;
évanouissez-vous, Fantômes ! Hors de
mon esprit indolent, fondez-vous dans
les nuages et ne revenez jamais plus ! »

John Keats


Chanson du vieux goéland

J'ai repris mon vol,
quitté la grotte
sous le rocher,
j'ouvre les ailes !
Quel vertige
quand il n'y a
plus de retour possible !

Ne sois pas triste
jeune goéland
qui monte aussi
vers ton soleil,
je veillerai, loin
très loin ivre
de silence !

J'ai revu
l’inaccessible étoile
quand je ne
l'attendais plus !
Le filet s'est déchiré,
jamais plus ne serait
son prisonnier !

Déjà un autre espace
m'est apparu,
j'y respire une paix
qui enivre plus
que toutes les ivresses
trompeuses au goût
de terre obscure !

Ma vie ne m'appartient plus,
vie donnée en un instant !
Mes ailes frôlent
le houppier du hêtre pourpre
gardien de la porte secrète
sur la colline !

Celui qui en franchit le seuil
ne sait plus rien,
ne veut plus rien,
Un vent étrange
se charge de son voyage,
il s'est abandonné !

J'ai repris mon vol !
Que personne ne cherche
à retenir celui
qui ne sait plus rien,
ne veut plus rien,
dont le seul désir
est de vivre son secret !











jeudi 25 avril 2024

 


La lumière commençait à fléchir.
En passant à côté de la forêt de bouleaux,
j'ai pensé à la Russie, à Tchekhov.
Je n'aurais pas été surpris
de voir sortir du bois
deux demoiselles en jupe de crinoline
avec ombrelles blanches à la main.

Mais il n'y avait personne.
la forêt était elle-même
une apparition.

Je suis resté à distance.
Je n'ai pas marché entre les arbres.
J'aurais sans doute disparu
comme l'image qui m'était venue à l'esprit.

Il y a des seuils
que l'on ne peut pas franchir
comme il y a des paroles imprononçables 
ou des portes qu'on ne peut ouvrir.

La forêt de bouleaux
était dans un ailleurs
à jamais ailleurs.




mercredi 24 avril 2024

 


15h30,

Dans la rue qui
monte à la maison
les premiers coquelicots
bravent fièrement le grésil.

Fleurs si fragiles
qu'il est inutile de cueillir,
papillon rouge miracle,

d'une graine perdue
entre béton et bitume
a surgi une aérienne
boule de feu.

Un aveugle n'est pas
celui qui ne voit pas,
mais celui qui
ne reconnait pas.








mardi 23 avril 2024

 


-1-

C'est ici qu'a commencé un ciel sans détours, avec des arbres gorgés de lumière, une histoire d'où l'on ne revient pas, côte à côte avec les marcheurs nocturnes qui ne lèvent jamais les yeux. C'est ici que des ailes ont pris feu, et que le vin a coulé à flots sur une terre inconnue.

-2-

Il était temps de perdre la tête, triste geôle à moisissures, et que les hirondelles sur leur fil reprennent leurs volutes où l'espace jubile. Il était temps d'échapper à ces os desséchés qui ne se relèveraient jamais.

-3-

Le jugement est déjà venu et la voix était douce comme du miel : "Cette terre est la tienne. Sur la pelouse calcaire de cette colline est un orchis si pur qu'il peut être un diadème"

-4-

Les plaintes ont été emportées par le vent, comme de la paille. Les mains trouvaient douceur à l'écorce rugueuse. Les mains parlaient aux herbes folles, et le regard était celui d'un otage au grand jour, renversé par la lumière et la tendresse folle des pétales

-5-

Même les visages qui se ferment possédaient une perle ou un germe que révélerait peut-être un jour le cygne qui marque avec de l'or son passage sur l'eau noire !

-6-


Il y avait tout en cet instant, ce que personne ne dit jamais à personne, la feuille vert tendre d'un érable, ou la robe luisante d'un grain de cassis, hors du sang et de la souffrance.

-7-

Tout se tenait dans cette reconnaissance, une innocence essentielle, du lichens phosphorescent à la dent de tigre fossile, du regard de l'enfant battu qui ne comprend pas à celui grand ouvert du poulain sur ses pattes frêles. Tout attirait vers l'énigme !
-8-

Et il voulait être là, homme seulement, parmi d'autres hommes, sans défense, sans violence, sur le fil fragile qui passe d'abîme en abîme, et donnant sa main, et donnant sa vie !










lundi 22 avril 2024

 









Où s'être perdu,

nuages échevelées ?


dites-le
dans la grande clarté
qui se prolonge !

Où se cacher
maintenant,

Les fausses promesses
retournent au silence !


le jour même abrupt,
bosse au front,
coup de bâton,
m'ont réveillé
ici, dans le jardin !

Ne plus rien attendre
puisque tout déjà
a été donné.

Il n'y a rien à faire
qu'accepter
et offrir sa seule tendresse,


nudité qui ne protège plus rien,


tout a été donné,
tout a été ôté,


la moindre feuille frémit !


Mais si une seule personne

comprenait derrière les mots,

entrevoyant l'espace,

si une seule goûtait

à ce qui vit aussi en elle

et que reflètent les arbres mouvants,

sensibles aux souffles invisibles !


dimanche 21 avril 2024

 


Pour plus tard.


Lorsqu'il n'est plus rien resté,
c'était un ciel plein d'étoiles,

libre de tout lien,

avec partout
des maisons écroulées,

et nulle trace de morts,

seulement des fleurs
qui poussent sans effort
parmi les ruines,

et des nomades
qui vont plus loin,

avec dans le regard
la lumière de l'enfant,

qui en son royaume
n'a besoin de rien !










samedi 20 avril 2024

 



Avoir recours
à la forêt,
aux plumes
des fougères,
à l'or d'un reflet
d'une rivière
qui s'endort
à l'ombre verte
des futaies !

Les cailloux du chemin
ont le pouvoir de réveiller
le marcheur :

« tu es déjà plus loin,
ne t'arrête jamais ! »

Et le vent est là,
il ouvre un pays
où les arbres ruissellent,
où chaque feuille a son chant,
où l'écorce est un livre
qu'on lit avec les mains !

S'échapper
avec la buse
sur sa meule,
dans l'ondulation brûlante
de l'air du plein midi !

Habiter l'herbe des prairies,
noyée de mauves et de coquelicots,
avec la vache placide
qui du mouvement de sa queue
bat la mesure de son
orchestre de mouches !

Humer les grumes
dans les fossés,
les premiers bolets
qui suintent
sous les sapinières,
gouter la liqueur
de la fraise des bois
mélangée de poussière !

Oublier peu à peu
près du merisier
ou du blé qui devient blond
la folie de l'homme.

Etre l'alouette
qui saura s'envoler
avant le passage
du monstre de la moisson !


Il n'y a de vie
qu'en cette tendresse !
Les fleurs sauvages,
belles pour rien,
parlent
de qui l'on est.

Personne ne pourra plus
faire oublier le secret
qu'elles  confient 
chaque soir.


Toi aussi,
essaye de retrouver
le livre qui s'ouvre
quand leurs pétales
se referment !

Il y a un poème
à l'intérieur
qui jamais ne s'écrit
et qui te dit : « Je t'aime ! »